Adresse aux candidats à l'élection de la Présidence de la République.
La folie n'est concevable qu'irréductiblement liée à la condition humaine
L'art et les pratiques cliniques psychiatriques prennent en compte la personne dans son ensemble, son histoire:
il s'agit de soigner une personne qui souffre et non une maladie.
Engagée dans la réalité sociale, la psychiatrie se doit de préserver la singularité et l'originalité des personnes qui se confient à elles ou lui sont confiées: telle est son éthique. Elle ne se conçoit qu'en relation avec les patients, leurs familles mais aussi les acteurs du social et du champ médico-social. Par conséquent, c'est une politique psychiatrique inscrite dans la communauté qui doit être promue.
Nous, soignants en psychiatrie, patients, familles affirmons que:
- les valeurs républicaines de liberté, égalité et de fraternité sont le socle constitutif de toute pratique.
- L'engagement thérapeutique tient d'abord à la prise en considération de la vulnérabilité mais aussi de la créativité des patients. Il doit conduire à promouvoir tous les lieux nécessaires à une hospitalité pour la folie qui contitue l'enjeu de la pratique. Dans l'hospitalisation, comme dans les lieux ambulatoires, l'accueil doit être mis au centre des projets et des préoccupations thérapeutiques.
- La dimension relationnelle est au coeur de tout processus de prévention et de soins. L'apport de la psychanalyse à la psychiatrie est incontestable, ne peut être nié, voire pire "interdit". Il est un élément important dans la nécessaire pluralité des pratiques qui composent notre discipline.
Ainsi refusons-nous avec force:
- L'idéologie sécuritaire qui stigmatise, isole et maltraite les plus démunis des citoyens.
- Toute modification ou interprétation des lois qui confirmerait la ségrégation et la stigmatisation des patients en les assujettissant à des lois spécifiques et aggraverait la tendance à l'enfermement.
- L'idéologie falsificatrice qui ferait croire que soigner sous la contrainte dans la cité serait une avancée pour les patients.
- L'imposture des protocoles standardisés pseudo-scientifiques déniant la singularité de chaque acte, de chaque projet soignant, de chaque patient.
- La mainmise de l'appareil gestionnaire tentant d'annihiler, de nier, d'écraser la dimension créative et inventive de tout processus de soin.
Nous défendrons un enseignement reposant en particulier sur la psychopathologie, et nécessitant la réintroduction de formations spécifiques désarrimées de la logique, du cadre théorique et des intérêts hospitalo-universitaires actuels autant que de l'emprise des laboratoires pharmaceutiques et ceci pour tous les professionnels de la psychiatrie.
Avec et pour ces valeurs nous continuerons à dénoncer toutes les dérives politiques, techniques, gestionnaires et sociales qui enfermeraient peu à peu les patients dans un carcan déshumanisant.
Nous affirmons que ce combat est essentiel pour que la psychiatrie ne bascule pas dans la barbarie où rejeter et punir ferait disparaître les pratiques accueillantes de soins désaliénistes.